Le Congrès de l'UICN : pionnier dans la protection juridique des sites naturels

La Convention sur le Patrimoine mondial de 1972  et la législation sur les aires protégées sont des mécanismes importants pour réaliser la conservation de la biodiversité et protéger les moyens d'existence des populations humaines. L’UICN fait partie intégrante du développement historique des idées sous-tendant ces mécanismes, et participe à l’établissement de nouveaux standards pour la mise en oeuvre sur le terrain. 

Montrichardia arborescens on the Atrato River Photo: Tilman Jaeger

Dans les années 1940, l’idée que les sites naturels, y compris les parcs nationaux  et les zones de nature sauvage aient besoin d’une protection internationale et juridiquement contraignante était relativement nouvelle. L’UICN a fait partie des premières organisations à avoir reconnu l’importance de protéger les zones naturelles, en particulier lors de la première Conférence technique internationale sur la protection de la nature organisée à Lake Success, New York, en 1949.

Pendant les années 1950, les défenseurs de la nature de l’UICN ont dressé la liste des aires protégées et des sites existants qui avaient selon eux besoin d’être protégés. En 1958, lors de la Sixième Assemblée générale de l’UICN à Athènes, Grèce, les Membres de l'UICN ont appelé à la création d’une liste officielle des aires protégées. À la suite de quoi, la première Liste des aires protégées des Nations Unies a été publiée en 1961.

Lors de la Neuvième Assemblée générale de l’UICN organisée à Lucerne, Suisse, en 1966, les délégués et les décisionnaires ont évoqué l’idée d’un mécanisme juridique pour désigner les aires considérées comme précieuses pour l’humanité toute entière. La délégation des États-Unis a proposé que la Liste des Nations Unies soit liée à un Fonds sur le patrimoine mondial, qui aiderait à financer et à gérer la protection de sites, parcs et paysages naturels spécifiques dans le monde entier.

Quelques années plus tard, lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain de 1972, également connue sous le nom de Conférence de Stockholm, l’UICN et l’UNESCO ont présenté une Convention qui mobiliserait la communauté internationale pour la protection des paysages naturels et des monuments historiques exceptionnels. La Convention sur le patrimoine mondial de 1972 a été signée en 1972 et est aujourd’hui l’une des conventions les plus largement acceptées – elle a été ratifiée par 191 pays sur 196. C’est la seule convention qui relie explicitement la nature et la culture.

La Convention sur le patrimoine mondial et la législation sur les aires protégées restent des mécanismes importants pour conserver la nature, laquelle serait autrement politiquement irréalisable. En tant qu’organisme consultatif officiel sur le Patrimoine mondial naturel, l’UICN est largement responsable du suivi des biens naturels placés sur la Liste de la Convention sur le patrimoine mondial, et de l’évalaution de l’éligibilité de nouveaux sites. La Convention et la Liste des aires protégées des Nations Unies, qui est régulièrement mise à jour, continuent à s’appuyer sur le travail commun de l’UICN et du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).

 

Le Patrimoine mondial pour la conservation au 21e siècle

2012 a marqué le 40e anniversaire de la Convention sur le patrimoine mondial. Cette année-là, lors du Congrès mondial de la nature de l’UICN organisé à Jeju, Corée les Membres de l'UICN ont adopté une résolution appelant au renforcement de la Convention, en remarquant que l’efficacité de cet instrument de conservation international était de plus en plus menacé par la construction de routes et de barrages, et par les activités d’extraction de ressources naturelles.

L’UICN a donc publié en 2014 Horizon du Patrimoine mondial de l’UICN, la première évaluation mondiale exhaustive des 229 sites naturels du Patrimoine mondial. Selon cette étude, 60% des sites naturels sont bien conservés, et les 40% restants font face à des menaces inquiétantes. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes. Les sites du Patrimoine mondial sont une épreuve de vérité pour les efforts en faveur de la conservation : si nous sommes incapables de protéger les régions les plus emblématiques de notre planète, comment pouvons-nous conserver et protéger la nature à plus grande échelle ?

En identifiant les sites de conservation bien gérés et les sites vulnérables, l’étude Horizon du Patrimoine mondial représente la contribution de l’UICN à une approche plus constructive par rapport à la façon dont la Convention sur le patrimoine mondial est mise en œuvre sur le terrain. Au vu de la reconnaissance et de la visibilité internationale des sites naturels du Patrimoine mondial, ceux-ci ont le potentiel pour jouer un rôle de premier plan au sein du mouvement des aires protégées, et faire preuve d’excellence.

 

L’excellence dans la conservation : Le Parc national Los Katios

Le Parc national Los Katios en Colombie a été mis sur la Liste du Patrimoine mondial en 1994 du fait de sa biodiversité exceptionnelle. Cependant, ce site sanctuaire était menacé par l’exploitation illégale du bois, le braconnage, la surpêche et les conflits armés. En 2009, il a été placé sur la Liste des sites du Patrimoine mondial en danger.

« Je crois que la Colombie a prouvé qu’être sur la Liste des sites en danger n’est pas une punition, mais plutôt une chance – c’est l’occasion pour un pays de prendre des décisions politiques importantes afin de mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour dépasser les problèmes, afin qu’un site présentant une valeur exceptionnelle pour l’humanité puisse avoir de meilleures perspectives de conservation pour le futur » affirme Julia Miranda, Directrice des Parcs nationaux de Colombie et vice-Présidente de la Commission mondiale des aires protégées.

Une mission sur le terrain pilotée par l’UICN en janvier 2015 a confirmé que l’augmentation régulière du nombre de patrouilles et la coopération avec les communautés locales avaient des résultats positifs, et notamment une réduction des activités illégales. En conséquence, lors de la 39e session du Comité sur le Patrimoine mondial en 2015, le Parc Los Katios a été supprimé de la Liste du Patrimoine mondial en danger.

« Cette décision est un immense encouragement pour que nous continuions à mettre en oeuvre le plan d’action élaboré pour retrouver l’état de conservation de la région de Los Katios » continue Julia Miranda. « La reconnaissance offerte par le Comité sur le Patrimoine mondial et l’UICN nous encourage à lutter contre ces problèmes. Nous nous engageons à renforcer nos stratégies pour améliorer l’efficacité de la gestion et la protection du parc.

Les experts de l’UICN nous ont donné des lignes directrices très importantes à suivre, afin que la conservation du Parc continue à s’améliorer. Maintenant que le Parc national Los Katios a été retiré de la Liste des sites en danger, nous devons continuer à mettre en oeuvre le plan de gestion. Nous souhaitons bien sûr continuer à travailler avec l’UNESCO et l’UICN afin de veiller à ce que notre cas en Colombie soit bien renseigné, et serve d’exemple aux autres pays, afin qu’ils utilisent correctement la Convention sur le patrimoine mondial » conclut-elle.

Un parcours axé sur le Patrimoine mondial lors du Congrès mondial de la nature de l’UICN 2016 à Hawai'i orientera les participants vers les événements liés au Patrimoine mondial lors du Congrès, et un pavillon Planète protégée sera dédié aux aires protégées.

 

Auteurs :

Simone Schleper
Université de Maastricht , Département d’histoire
P.O. Box 616, 6200 MD Maastricht, Pays-Bas

Recherche : Les diplomates de la nature : Les experts écologiques et la politique dans le domaine de la conservation des organisations internationales (1920-2000)

 

Célia Zwahlen
Chargée de communication, Programme sur le Patrimoine mondial, UICN 

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