Adaptation des îles : échanger la dette pour sauver les océans

Jean-Paul Adam, ministre des Finances, du Commerce et de l’Economie bleue de la République des Seychelles, évoque l’échange de la dette et comment cela peut bâtir une Economie bleue, en mobilisant du capital pour soutenir l’adaptation aux changements climatiques et la protection marine.  

Seychelles - La Digue - Anse Source d'Argent Photo: Didier Baertschiger (CC BY-SA 2.0)

Mon île natale des Seychelles est entourée d’un immense océan bleu qui regorge de vie marine. Notre Zone économique exclusive fait presque 1,4 millions de kms², ce qui fait de l’océan le moteur principal de notre économie et de notre futur. Nos plages et nos récifs coralliens sont si magnifiques qu’ils attirent des touristes du monde entier, et nos poissons fournissent à des millions de personnes de quoi manger. C’est également aux Seychelles que vivent des leaders passionnés, qui cherchent à faire avancer le développement durable, ce qui aux Seychelles signifie construire une Economie bleue résiliente.

Pour que l’Economie bleue soit une réalité, les Seychelles se sont engagées à protéger 30% de notre ZEE dont la moitié en zone de protection de biodiversité élevée et moyenne, pour : soutenir la protection à long terme d’espèces et d’habitats essentiels ; améliorer la résilience des écosystèmes côtiers face aux changements climatiques ; et garantir les opportunités économiques de la pêche, du tourisme et d’autres usages. Ce réseau d’aires protégées, d’une taille équivalente à l’Allemagne, a été possible grâce à la conclusion par notre gouvernement d’un accord pionnier d’échange de la dette pour financer la lutte contre les changements climatiques, annoncé lors de la COP21 à Paris.

Nous avons mis en place cet échange de la dette grâce à l’aide de nos partenaires. C’est une façon innovante de mobiliser le capital privé et public afin de favoriser l’adaptation aux changements climatiques, la protection marine et de construire une Économie bleue. Les Seychelles sont un petit pays, mais nous montrons au monde que de nouvelles approches innovantes et des partenariats solides peuvent créer le genre de solutions dont notre planète a besoin.

Avoir conscience de ce que nous avons pour prioriser ce que nous devons protéger

Lors du Sommet Rio+20, notre vice-Président Danny Faure a annoncé la promesse de notre gouvernement de protéger 30% de sa zone marine si l’échange de la dette pour financer la lutte contre les changements climatiques était un succès. Cela a déclenché une série d’actions afin de mieux comprendre la richesse de nos océans. Avec le soutien de The Nature Conservancy et de l’Unité de coordination du Programme du FEM-PNUE-gouvernement des Seychelles, le gouvernement a élaboré un plan de l’espace marin pour l’ensemble de notre ZEE, une première pour l’océan Indien occidental.

Ce plan de l'espace marin, fondé sur des données scientifiques et conçu grâce à la participation active du public, offre au gouvernement un outil intégré multisectoriel pour orienter le développement politique et économique à soutenir l’utilisation et la santé durable et à long terme des eaux autour des Seychelles.

Une fois mis en oeuvre d’ici à 2020, ce plan placera 15% des eaux des Seychelles en zones de protection de biodiversité élevée et 15% en zones de protection de biodiversité moyenne avec l’existence d’usages compatibles, offrant ainsi une protection à nos espèces et habitats essentiels. En outre, puisque le plan englobe toute la ZEE des Seychelles, il améliorera la gestion de la pêche et du tourisme, et permettra de collecter des données cruciales par le biais d’un catalogue de données spatiales et d’un Atlas du plan de l’espace marin.

Échanger notre dette pour sauver notre océan

Pour créer cette source durable de financement destinée à gérer et mettre en œuvre notre réseau d’aires marines protégées et à faire progresser notre Économie bleue, notre gouvernement a obtenu un accord exceptionnel avec ses créditeurs du Club de Paris, permettant d’échanger 21,6 millions de dollars US de dette contre une adaptation aux changements climatiques. Conçu avec le soutien de The Nature Conservancy par le biais du Partenariat insulaire mondial, cet échange de dette a permis à notre gouvernement de rediriger une partie de ses paiements actuels pour la dette vers le financement de solutions fondées sur la nature pour lutter contre les changements climatiques, y compris l’Initiative pour la planification de l'espace marin qui accroît la protection de notre vaste océan de 1 à 30%.

Cet échange de dette permettra aux Seychelles de racheter 21,6 millions de dollars US de sa dette, à une valeur inférieure à celle du marché, aux créditeurs du Club de Paris, grâce à 15,2 millions de dollars US de capitaux empruntés et à un financement de 5 millions de dollars US de The Nature Conservancy. Cela réduit le service annuel de la dette du gouvernement d’environ 2 millions de dollars US, et ces fonds disponibles pourront satisfaire d’autres besoins des Seychellois.

Le gouvernement des Seychelles a créé un fonds public-privé localement géré, le Fonds des Seychelles pour la conservation et l’adaptation au climat (SeyCCAT) qui achète et restructure la dette, gère la dotation et applique les conditions de l’accord de remise de la dette. Les paiements du service de la dette financeront trois courants distincts : un pour payer les investisseurs d’impact, un pour capitaliser la dotation au SeyCCAT, et un pour financer le travail sur le terrain afin de faire progresser la conservation marine et côtière, y compris les stratégies pour l’adaptation climatique basée sur les écosystèmes et la réduction des risques de catastrophes. C’est le premier échange de dette qui aborde spécifiquement l’adaptation climatique et inclut les investisseurs d’impact.

Partager cette approche

Les Seychelles ont pu conclure cet accord et mobiliser un financement innovant pour atteindre divers objectifs de développement grâce à une forte volonté politique et à des partenariats réels et sur le long terme. Comme de nombreux Petits États insulaires en développement, les Seychelles ont du mal à accéder à un financement pour soutenir l’adaptation aux changements climatiques et les objectifs de durabilité. Cet échange de dette offre un nouveau mécanisme financier pour les autres pays et îles, afin qu’ils mobilisent du financement pour la conservation et l’adaptation.

Le Partenariat insulaire mondial dirigé par notre Président, James Michel, aux côtés du Président des Palaos et du Premier ministre de Grenade, est une plateforme essentielle pour partager les initiatives insulaires réussies avec les autres leaders du monde entier, et bâtir des relations solides comme celle qui existe avec The Nature Conservancy. Le Congrès mondial de la nature de l’UICN qui se tiendra prochainement en septembre 2016 à Hawai'i sera une occasion importante de faire connaître ce mécanisme innovant au niveau mondial, de montrer dans quelle mesure les îles montrent la voie, et d’offrir des solutions pour construire un futur résilient et durable.

J’aimerais remercier les collaborateurs et bailleurs suivants qui soutiennent les Seychelles dans cet échange « dette contre adaptation » :

Collaborateurs : Gouvernement de Belgique, de France, d’Italie, du Royaume-Uni, Programme des Nations Unies pour le développement, Fonds pour l’environnement mondial, Partenariat insulaire mondial.

Bailleurs : le Fonds China Global Conservation, The Jeremy and Hannelore Grantham Environmental Trust, Lyda Hill et la Fondation Lyda Hill, la Fondation Oak, Oceans 5, The Nature Conservancy, le fonds caritatif de la famille Turnbull Burnstein, la Fondation Waitt. 

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